LA DOMINATION ROMAINE
(133 avant J.C.- 409 après J.C.)


En introduisant leur langue et leurs institutions, les Romains engage un processus d’unification. Le Portugal a déjà ses frontières (comme aujourd’hui sauf qu’il est coupé en deux au niveau du Douro) administratives. L’histoire du Portugal en devient à peu près autonome. C’est à cette époque que se fixe, dans le sud du Portugal, les traits essentiels de l’économie agraire du pays. Dans l'histoire de l'Empire Romain, la Lusitanie et la région des estuaires des fleuves Tage et Sado, en particulier, étaient importantes car elles possédaient la plus grande concentration d'unités industrielles de composés des poissons, dans tout l'Empire. En témoigne le gigantesque site industriel de Tròia comportant peut-être une cinquantaine d'usines sur au moins deux kilomètres le long du fleuve Sado à son embouchure...

Monnaie romaine (Conimbriga, 165-150 avant J.C.)

Du côté de la population lusitaine on a plus de nouvelles depuis la chute de Numance. En 114, des attaques sont cependant réprimées par le futur consul Marius. En 107, une rébellion des lusitaniens voit le jour et offre une succession de batailles jusqu'à battre l'armée romaine en 105. Les celtibères de Numance, soumis, choisiront cette fois de s'allier aux romains et permettront à ceux-ci de gagner sur leurs ennemis en 101. Mais, la révolte continue et refait surface en 99. Lucius Cornelius Dolabella leur impose une cinglante défaite qui leur demandera un certain temps avant de pouvoir se remobiliser. Ils ne pourront le faire qu'avec l'appui du gouvernement rebel de Sertorius, ayant établi un gouvernement indépendant en Hispanie qui affrontera Rome dans les années 80-70 avant JC (cf. plus bas)

 

LE GOUVERNEMENT REBEL DE SERTORIUS (env. 79 av JC - 72 av JC)

La dictature de Sylla s'est fait durement ressentir parmi l'aristocratie indigène de la péninsule ibérique. Les partisans de Marius qui ont fuit Rome lors du retour de Sylla en 82 s'étant pour la plupart réfugié dans la péninsule tout comme Sertorius, ceux-ci ont su trouver un écho favorable parmi la population péninsulaire. Mais en 81, Sertorius, le chef de file de ce mouvement est contraint à l'exil en Afrique.

Après diverses aventures et surtout la prise de Tingis (Algérie) par Sertorius, les Lusitaniens font appel à lui pour les aider à lutter contre la mainmise de Sylla en Espagne. "Il vint des ambassadeurs des Lusitaniens qui l'invitaient à prendre le commandement de leurs troupes. Ils avaient besoin, contre les armes des Romains dont ils étaient menacés, d'un général qui joignît à une grande réputation beaucoup d'expérience ; et d'après ce qu'ils avaient entendu dire du caractère de Sertorius par ceux qui avaient vécu avec lui, il était le seul en qui ils eussent confiance."[Plutarque, Vie de Sertorius, 10]

Deux généraux furent envoyés par Rome en Hispanie : Métellus et Domitius. Ils furent vaillament repoussés par le général Hirtuléius que choisit Sertorius [Orose, histoire contre les païens, V, 23, 4-9]. Son armée sort victorieuse de multiples batailles contre l'armée romaine. Une fois ses ennemis repoussés (notamment le fameux Pompée), son but fut vraisemblablement de construire une république indépendante, à l'instar de celle de Rome. Il voulait ‘civiliser’ les peuples confédérés sur le modèle romain. Il établit un sénat de 300 membres, choisis parmi les émigrants romains avec une poignée de personnes de l'élite locale, et s'entoura d'une garde du corps espagnole. Pour les enfants des principales familles locales il créa une école à Osca (Huesca), où ils reçurent une éducation romaine et furent même vêtus comme les jeunes romains. "Ces exploits concilièrent à Sertorius l'admiration et l'amitié des Barbares ; ils étaient ravis surtout qu'il leur eût ôté leur manière sauvage et brutale de combattre, et qu'en leur faisant adopter l'armure et l'ordonnance romaines, en les accoutumant à prendre le mot du combat, il eût fait d'une multitude de brigands un corps de troupes bien discipliné ; il leur prodiguait d'ailleurs l'or et l'argent, pour orner leurs boucliers et leurs casques ; il les invitait à se faire des tuniques et des manteaux brodés, leur fournissait tout ce qui leur était nécessaire pour cela, les piquait même d'émulation par son exemple, et leur inspirait ainsi le plus vif intérêt pour sa personne. Mais rien ne gagna tant leur affection que ce qu'il fit pour leurs enfants. Dans toutes les nations soumises à son autorité, il prit ceux des premières familles, qu'il rassembla dans Osca, ville considérable du pays, et leur donna des maîtres pour les instruire dans les lettres grecques et romaines"[Plutarque, Vie de Sertorius, 14].

Mais, ce n'est pas contre Rome que Sertorius travaille : ses choix en témoignent : "Quoiqu'il fît la guerre avec les troupes et l'argent des villes d'Espagne, il ne céda jamais aux Espagnols, même de paroles, aucune part à l'autorité souveraine, et leur donna toujours des Romains pour gouverneurs et pour capitaines"[Plutarque, Vie de Sertorius, 22]. En témoignent aussi ses conditions imposées à Mithridate, roi du Pont : "Son traité avec Mithridate est une nouvelle preuve de sa grandeur d'âme. Ce prince, abattu par Sylla, s'étant relevé comme pour commencer une seconde lutte, entra de nouveau dans l'Asie. La réputation de Sertorius était déjà répandue dans toutes les contrées, et les commerçants qui revenaient des mers du couchant remplissaient le royaume de Pont du bruit de ses exploits. Mithridate, excité par les flatteries de ses courtisans, qui comparaient Sertorius à Annibal, et lui-même à Pyrrhus ; qui lui assuraient que les Romains, attaqués de deux côtés à la fois, ne pourraient jamais tenir contre deux si grands généraux et contre des puissances devenues si redoutables, quand le plus habile capitaine serait réuni au plus grand des rois, Mithridate, dis-je, résolut de lui envoyer des ambassadeurs. Il les fit partir pour l'Espagne avec des lettres, et les chargea d'offrir de vive voix à Sertorius des vaisseaux et de l'argent pour soutenir la guerre, à condition que Sertorius lui assurerait la possession de toute l'Asie, qu'il avait été forcé de céder aux Romains, par le traité que Sylla avait fait avec lui. Sertorius, ayant reçu ces ambassadeurs, assembla son conseil, qu'il appelait le sénat ; ils furent tous d'avis d'accepter avec joie les propositions de Mithridate, puisqu'il ne demandait qu'un vain nom, qu'un titre inutile de ce qui ne leur appartenait pas, et qu'il leur donnait en échange les choses dont ils avaient le plus grand besoin. Mais Sertorius rejeta ce conseil ; il dit qu'il laisserait volontiers à Mithridate la Bithynie et la Cappadoce, pays toujours gouvernés par des rois, et où les Romains n'avaient rien à prétendre ; mais qu'une province qu'il avait enlevée aux Romains qui la possédaient à plus juste titre, qu'il avait perdue ensuite dans la guerre, vaincu par Fimbria, et qu'il venait de céder à Sylla par un traité, il ne souffrirait jamais qu'elle rentrât sous sa domination: « Car, ajouta-t-il, je veux que Rome s'agrandisse par mes victoires, et je ne veux pas devoir mes victoires à l'affaiblissement de Rome. Un homme de coeur ne désire qu'une victoire honorable, et il ne a voudrait pas sauver sa vie même par des moyens honteux. Cette réponse, rapportée à Mithridate, le frappa d'étonnement : « Quels ordres nous donnera donc Sertorius, dit-il à ses amis, lorsqu'il sera dans Rome, assis au milieu du sénat, si maintenant, relégué sur les côtes de l'océan Atlantique, il fixe les bornes de mon royaume, et me menace de la guerre, à la première entreprise que je ferai sur l'Asie ! » C'est pourtant sur ce pied que le traité fut conclu et juré. Mithridate conservait la Bithynie et la Cappadoce, et Sertorius s'obligeait de lui envoyer un général et des troupes ; de son côté, Mithridate s'engageait à lui fournir quarante vaisseaux et trois mille talents."[Plutarque, Vie de Sertorius, 23&24]

L'importance de la période du gouvernement de Sertorius dans la péninsule fut énorme : Elle a accéléré le processus de romanisation de la région aussi bien par l'affluence de romains que par certaines créations comme l'école de Huesca (Osca) pour les enfants de l'oligarchie indigène. Une autre conséquence plus ou moin directe de l'aventure de Sertorius est l'implication postérieure de l'Hispanie dans la guerre civile entre César et Pompée.

 

En 62, les historiens romains évoquent une révolte des Lusitains et Gallaeci que César matera.

On retrouve encore les Lusitains, comme auxiliaires de ses troupes, lors des campagnes de Pompée (55-49)

 

Au début de l'empire et de la pacification de la péninsule, Auguste établit une meilleure division administrative : l'Hispanie Ultérieure est divisée en Lusitanie et Bétique. La Bétique a pour capitale Cordoue tandis que la Lusitanie, dont le nom complet est Lusitania e Vetonia, garde pour capitale, non pas une cité lusitaine, mais la capitale des Vettones : Emerita (Mérida, Esp.). Par ailleurs, la province de Lusitanie englobe non seulement les anciens territoires lusitaniens et vettons mais aussi la Galice et l'Asturie.

 

Voies romaines :

Economiquement, l'unité de la région se manifestait dans la principale route romaine (Via XVI), longue de 361 km, et qui traversait le pays du Nord au Sud. Elle reliait Bracara Augusta (Braga) à Ollisipo (Lisbonne) en passant par Cale (Porto), Aeminium (Coimbra), Selleum (Tomar) et Scallabis (Santarém). De nombreuses voies s'ajoutaient à celle-ci pour former un réseau reliant les différentes villes de l'Ouest de la péninsule :

Via XIX reliait Bracara Augusta à Asturica (Astorga-Esp.) en Galice en passant par Lucus (Lugo-Esp.).

Via XVII reliait aussi Bracara Augusta à Asturica mais en passant par Aquae Flavia (Chaves).

Via XX reliait aussi Bracara Augusta à Asturica mais en passant par la côte.

Via XV reliait Olisipo (Lisbonne) à Emerita (Mérida-Esp.) en passant par Aritium Vetus (Alvega-P.)

Via XIV reliait Olisipo à Emerita en passant par Abelterio (Alter do chão-P.)

Via XII reliait Olisipo à Emerita en passant par Salacia (Alcacer do Sal) et Ebora (Evora).

Via XXII reliait Esuri (Castro Marim) à Pax Julia (Beja) en passant Myrtilis (Mertola)

Via XIII reliait Salacia (Alcacer do Sal) à Ossonoba (Faro)

Tronçon de la route romaine menant de Olissipo (Lisbonne) à Bracara Augusta (Braga) ici à l'entrée de Conimbriga (photo de gauche). Quartiers commerçants à Conimbriga (photo de droite).

Une crise au IIIème siècle accentue l’isolement du Nord-Ouest qui s’organise autour de Braga. La colonisation romaine n’a pas pu effacer l’isolement et le retard culturel et technique de la façade atlantique de la péninsule. Les oppositions entre Lusitanie et le reste de la péninsule ne font même que s’amplifier.

Monnaie romaine, frappée à Arles, retrouvée à Conimbriga (353 après J.C.)

 

 

SOURCES : POLYBE, Histoire, 145 avant J.C.

Voir aussi : Vestiges du Portugal romain