Sertorius (122-72 av JC)

 

Quintus Sertorius fut un homme d'État et général romain, originaire de la péninsule italienne. Il établit une république indépendante en Hispanie, avec l'appui principal des Lusitaniens. Sa vie est relativement bien connue grâce à Plutarque.

Le chemin jusqu'au pouvoir :

Après avoir été juriste et orateur à Rome, il s’illustra en tant que militaire dans l’armée de Marius contre l’invasion des Cimbres et des Teutons (102 av JC) qui ne s’arrêta qu’aux abords de l’Hispanie. "Il s'exerça d'abord à plaider, et jeune encore il y réussit assez pour se faire, par son éloquence, une grande réputation dans Rome ; mais bientôt l'éclat de ses succès militaires tourna du côté des armes toute son ambition"[Plutarque, Vie de Sertorius, 2]. En 97, il servit en Espagne.

C’est à son retour à Rome que la situation politique le contraint à prendre défénitivement le parti de Marius face à Sylla. Il sert alors Marius et son parti populaire mais, lorsque Sylla rentre de son expédition contre Mithridate en 82, Sertorius est contraint de partir en Espagne, avec les restes du parti de Marius. "et lorsque enfin Sylla, étant venu camper auprès de Scipion, lui fit les plus grandes démonstrations d'amitié, en le flattant de l'espoir d'une paix prochaine, pendant qu'il lui débauchait son armée, Sertorius, qui en avait plusieurs fois inutilement averti Scipion, désespérant du salut de Rome, partit pour l'Espagne, afin d'y prévenir, s'il le pouvait, l'arrivée de ses ennemis, s'emparer de cette province, et s'y établir si bien qu'il pût y assurer une retraite à ceux de ses amis qui seraient forcés d'abandonner l'Italie" [Plutarque, Vie de Sertorius, 6].

En 81, Sertorius dut quitter la péninsule pour se réfugier en Afrique. Après diverses aventures et surtout la prise de Tingis (Algérie) par Sertorius, les Lusitaniens font appel à lui pour les aider à lutter contre la mainmise de Sylla en Espagne. "Il vint des ambassadeurs des Lusitaniens qui l'invitaient à prendre le commandement de leurs troupes. Ils avaient besoin, contre les armes des Romains dont ils étaient menacés, d'un général qui joignît à une grande réputation beaucoup d'expérience ; et d'après ce qu'ils avaient entendu dire du caractère de Sertorius par ceux qui avaient vécu avec lui, il était le seul en qui ils eussent confiance."[Plutarque, Vie de Sertorius, 10] Sertorius y acquit un grand ascendant sur les habitants du pays, particulièrement sur les Lusitaniens donc. "Il trouva cette province peuplée d'une jeunesse florissante, mais que l'avarice et la violence des gouverneurs que Rome y envoyait tous les ans avaient prévenue contre toute espèce d'autorité. Il s'attacha d'abord à gagner les grands par la douceur, et la multitude par la diminution des subsides ; mais rien ne lui concilia davantage l'affection de ces peuples, que l'exemption des logements de gens de guerre. Il obligea ses soldats de passer l'hiver dans leurs tentes, hors des murailles des villes, et lui-même y fit tendre le premier son pavillon. Cependant ne voulant pas mettre uniquement sa confiance dans les dispositions favorables des Barbares, il incorpora dans ses troupes ceux des Romains établis en Espagne qui étaient en âge de porter les armes"[Plutarque, Vie de Sertorius, 6]. En 77, Pompée fut envoyé pour le vaincre. Sertorius se révéla supérieur à ses adversaires et écrasa complètement leurs forces réunies alors aux environs de Sagonte [Orose, histoire contre les païens, V, 23, 4-9]. C’est sans doute après cette éclatante victoire que les milices locales le qualifièrent de « nouvel Hannibal ».

Son but fut vraisemblablement de construire une république indépendante, à l'instar de celle de Rome. Il voulait ‘civiliser’ les peuples confédérés sur le modèle romain. Il établit un sénat de 300 membres, choisis parmi les émigrants romains avec une poignée de personnes de l'élite locale, et s'entoura d'une garde du corps espagnole. Pour les enfants des principales familles locales il créa une école à Osca (Huesca), où ils reçurent une éducation romaine et furent même vêtus comme les jeunes romains. "Ces exploits concilièrent à Sertorius l'admiration et l'amitié des Barbares ; ils étaient ravis surtout qu'il leur eût ôté leur manière sauvage et brutale de combattre, et qu'en leur faisant adopter l'armure et l'ordonnance romaines, en les accoutumant à prendre le mot du combat, il eût fait d'une multitude de brigands un corps de troupes bien discipliné ; il leur prodiguait d'ailleurs l'or et l'argent, pour orner leurs boucliers et leurs casques ; il les invitait à se faire des tuniques et des manteaux brodés, leur fournissait tout ce qui leur était nécessaire pour cela, les piquait même d'émulation par son exemple, et leur inspirait ainsi le plus vif intérêt pour sa personne. Mais rien ne gagna tant leur affection que ce qu'il fit pour leurs enfants. Dans toutes les nations soumises à son autorité, il prit ceux des premières familles, qu'il rassembla dans Osca, ville considérable du pays, et leur donna des maîtres pour les instruire dans les lettres grecques et romaines"[Plutarque, Vie de Sertorius, 14]. Sertorius est en effet un romain avant tout, et ses choix en témoignent : "Quoiqu'il fît la guerre avec les troupes et l'argent des villes d'Espagne, il ne céda jamais aux Espagnols, même de paroles, aucune part à l'autorité souveraine, et leur donna toujours des Romains pour gouverneurs et pour capitaines"[Plutarque, Vie de Sertorius, 22].

Au niveau diplomatique, la république de Sertorius était allée à des pirates de la méditerranée, avait des contacts avec les esclaves en révolte et traitait avec Mithridate : "Son traité avec Mithridate est une nouvelle preuve de sa grandeur d'âme. Ce prince, abattu par Sylla, s'étant relevé comme pour commencer une seconde lutte, entra de nouveau dans l'Asie. La réputation de Sertorius était déjà répandue dans toutes les contrées, et les commerçants qui revenaient des mers du couchant remplissaient le royaume de Pont du bruit de ses exploits. Mithridate, excité par les flatteries de ses courtisans, qui comparaient Sertorius à Annibal, et lui-même à Pyrrhus ; qui lui assuraient que les Romains, attaqués de deux côtés à la fois, ne pourraient jamais tenir contre deux si grands généraux et contre des puissances devenues si redoutables, quand le plus habile capitaine serait réuni au plus grand des rois, Mithridate, dis-je, résolut de lui envoyer des ambassadeurs. Il les fit partir pour l'Espagne avec des lettres, et les chargea d'offrir de vive voix à Sertorius des vaisseaux et de l'argent pour soutenir la guerre, à condition que Sertorius lui assurerait la possession de toute l'Asie, qu'il avait été forcé de céder aux Romains, par le traité que Sylla avait fait avec lui. Sertorius, ayant reçu ces ambassadeurs, assembla son conseil, qu'il appelait le sénat ; ils furent tous d'avis d'accepter avec joie les propositions de Mithridate, puisqu'il ne demandait qu'un vain nom, qu'un titre inutile de ce qui ne leur appartenait pas, et qu'il leur donnait en échange les choses dont ils avaient le plus grand besoin. Mais Sertorius rejeta ce conseil ; il dit qu'il laisserait volontiers à Mithridate la Bithynie et la Cappadoce, pays toujours gouvernés par des rois, et où les Romains n'avaient rien à prétendre ; mais qu'une province qu'il avait enlevée aux Romains qui la possédaient à plus juste titre, qu'il avait perdue ensuite dans la guerre, vaincu par Fimbria, et qu'il venait de céder à Sylla par un traité, il ne souffrirait jamais qu'elle rentrât sous sa domination: « Car, ajouta-t-il, je veux que Rome s'agrandisse par mes victoires, et je ne veux pas devoir mes victoires à l'affaiblissement de Rome. Un homme de coeur ne désire qu'une victoire honorable, et il ne a voudrait pas sauver sa vie même par des moyens honteux. Cette réponse, rapportée à Mithridate, le frappa d'étonnement : « Quels ordres nous donnera donc Sertorius, dit-il à ses amis, lorsqu'il sera dans Rome, assis au milieu du sénat, si maintenant, relégué sur les côtes de l'océan Atlantique, il fixe les bornes de mon royaume, et me menace de la guerre, à la première entreprise que je ferai sur l'Asie ! » C'est pourtant sur ce pied que le traité fut conclu et juré. Mithridate conservait la Bithynie et la Cappadoce, et Sertorius s'obligeait de lui envoyer un général et des troupes ; de son côté, Mithridate s'engageait à lui fournir quarante vaisseaux et trois mille talents."[Plutarque, Vie de Sertorius, 23&24]

On peut dire qu'il gouverna l'Espagne pendant six années. Selon Plutarque, toute l'Espagne en-deça de l'Ebre, s'était soumise à son commandement. En 77 il fut rejoint par M. Perperna Vento venant de Rome, avec une suite de nobles romains. Pourtant, en 72 il fut assassiné au cours d'un banquet, vraisemblablement suite à un complot fomenté par Perperna Vento[Orose, histoire contre les païens, V, 23, 13]