L’INVASION PUNIQUE (237
avant J.C.-201 avant J.C.)
Lorsque Carthage fut brouillé avec Rome, suite à la première
guerre punique, la riche aristocratie marchande représentée
par Hannon, voulait la paix avec Rome, de façon à pouvoir commercer
; la "faction des BARCA", appuyée par l'armée
et la plèbe, cherchait au contraire la guerre un moyen d'accroître
son influence (la plèbe s'enrichissait grâce au butin conquis qui
lui était en partie distribué). le clan Barca sut se faire entendre,
aussi entreprirent-ils la conquête du littoral et c'est le célèbre
Hamilcar Barca qui franchit avec son armée le détroit
de Gibraltar ; il emmenait avec lui son gendre Hasdrubal et son fils
âgé de 9 ans, le fameux Hannibal. Les ressources de l’Ibérie
devenaient vitales pour Carthage. Ce pays est en effet réputé
pour détenir de précieuses ressources en métaux aussi bien
que de valeureux guerriers. Il fallait "rétablir en Ibérie
les affaires carthaginoises" [Polybe, Histoire,
II, I, 6] ; Certaines sources rapportent qu'à une ambassade romaine
venue en 231 demander la raison de leur présence en Espagne, Hamilcar
aurait répondu qu'il travaillait à payer l'indemnité due
à Rome ! Hamilcar débarque à Cadix (237 avant J.C.)
[Polybe, Histoire, Livre III, II, 1.5]. Le carthaginois arrive
dans un territoire 'ami' grâce à la très ancienne présence
phénicienne. Toute la côte andalouse est un territoire acquis pour
Hamilcar. Mais ce qu'il vise en premier lieu ce sont les mines d'argent de la
Sierra Morena, qui court au Nord de Cordoue et Séville jusqu'à
l'actuelle frontière portugaise. Hamilcar assure le contrôle direct
d'une région déjà en relation avec les phéniciens
depuis des siècles. Mais une inquiétude se fait sentir au Nord
: Les Turdétans ou Turdules (peuple établi dans
la vallée du Guadiana dont une partie en Algarve, qu'il faudrait considérer
comme les descendants des Tartéssiens ?) résistent avec
leur chef Istolatios. Hamilcar en vient cependant rapidement à
bout dès 235 avant J.C.
En 231, Hamilcar tourne alors le dos au Portugal pour s’orienter vers
l’Est et avancer plus avant à l’intérieur des terres.
Il se heurte à de puissantes forces ibériques. Hamilcar réussit
à vaincre une première contre-offensive. Mais en 229-228, il décède
dans une bataille contre les Oretani (Espagne, au Nord de Grenade).
Et son gendre Hasdrubal lui succède car son fils Hannibal n’est
pas encore assez âgé pour prendre la direction de l’armée.
A peine intronisé, Hasdrubal réunit ses forces, auquelles se joignent
des troupes envoyées d'Afrique ; en tout, 50 000 fantassins, 6 000 cavaliers
et 200 éléphants ! Il noue une alliance avec certains peuples
(notamment les Lusitaniens). Il venge Hamilcar en soumettant les Oretani
et avance vraisemblablement jusqu’aux sources du Tage, puis jusque chez
les Vascons du cours du moyen Douro. Il y prend les villes d’Helmentika
(Salamanque) et (Zamora?). La totalité de la péninsule au sud
du Douro devient punique (Carthage) [Polybe, Histoire,
Livre III, I, 13-15]. Pour consolider ce nouveau royaume, Hasdrubal mène
une politique de fusion-assimilation à l'égard des populations
indigènes ; Il se marrie notamment avec une princesse ibère et
fonde une nouvelle ville emblématique : Carthago Nova, l'actuelle
Carthagène ! Il y fait construire un palais dont Polybe vante encore
la somptuosité en 133 avant J.C., mais dont on n'a malheureusement retrouvé
aucun vestige sous les ruines romaines. Mais la conquête n'a vraisemblablement
pas été poussée jusqu'à l'actuel territoire portugais,
excepté peut-être le Sud où se trouvaient déjà
d'anciennes colonies phéniciennes. Les peuples vivant à l'Ouest
de la péninsule ne semblent être que peu affectés par cette
conquête extérieure. Les évènements principaux (batailles
et mouvements de troupes) se déroulant en grande majorité dans
le Sud-Est de la péninsule.
La réaction très tardive de Rome (8 à 9 ans...) à
cette offensive menaçante de l'ennemi juré, s'explique par le
fait que ceux-ci se sentaient menacés par les Gaulois et durent y répondre
avant de pouvoir réagir en Espagne [Polybe, Histoire,
Livre II, II, 22.9]. Mais la chute de Sagonte, dont le peuple se tourne
vers les Romains, va embraser le conflit, car selon un traité entre Rome
et Carthage, nul peuple ne devait s'attaquer à un peuple allié
au parti adverse [Polybe, Histoire, Livre III,
I, 22.11]. Le centre de gravité de ces conflits se trouve toujours
dans l'Est de l'Espagne et implique les peuples ibères locaux qui, pour
la plupart, sont alliés de gré ou de force aux Carthaginois. Les
plus célèbres sont Andobalès (chefs des Ibères
ilergètes) et son frère Mandonios. Andobalès,
appelé aussi Indibilis par Tite-Live, s'était déjà
opposé aux Scipions et en était
sorti vaincu. Il resta par la suite dans une apparente neutralité, mais
on constate très vite qu'il profite du premiers revers romain pour reprendre
la lutte [Tite-Live, Histoire romaine, XXV, 34,
6]. Lorsque Publius Scipion comprend le danger que représente
pour ces troupes le ralliement d'Andobalès aux Carthaginois, il l'affronte
afin de lui couper la route. Le choc est brutal et les forces s'égalent.
Tandis que la cavalerie numide survient sur les flancs romains, les Carthaginois
arrivent de derrière et opèrent un véritable massacre contre
les romains[Tite-Live, Histoire romaine, XXV,
34, 6 à 10].
C'est alors qu'Hannibal entreprend sa longue marche vers l’Italie. Avant
d'entreprendre ce long périple, il décide de retourner en pèlerinage
à Cadix auprès du Dieu Hercule-Melqart [Tite-Live,
Histoire romaine, XXI, 21], dieu phénicien de la Ville,
dieu tutélaire de Tyr, mais aussi dieu de l'expansion phénicienne.
Après 12 ans de lutte, les Carthaginois sont expulsés de la péninsule.
Les indigènes auront pris part à la lutte des deux côtés.
L’INVASION ROMAINE (217
avant J.C.-147 avant J.C.)
La péninsule ibérique confirme son importance économique
puisqu'elle est l'une des premières régions où Rome étend
sa domination après la Sicile, et une partie de la Grèce. Sa richesse
en métaux en faisait un atout particulier mais c'est la présence
punique qui déclencha véritablement l'invasion. Lorsque les Romains
voulurent s’attribuer la péninsule comme prise de guerre, s’ouvre
alors une séquence ininterrompue de conflits avec les indigènes,
plus particulièrement les Celtibères. Les combats dureront plus
de 50 ans ! Rien qu'entre 205 et 198, la guerre coûta à la république
romaine pas moins de 2 tonnes d'or et cent tonnes d'argent. Les romains s'imposent
cependant sur la plus grande partie de la péninsule (Je ne connais pourtant
pas d'auteurs évoquant la conquête de la façade atlantique)
et la divise en Hispanie Citérieure et Ultérieure.
La pacification se révèle
difficile ; Dès 197, les Turdétans du Sud se révoltent
contre la domination romaine et en 194 ou 193, les lusitaniens, dénomination
commune de tribus vivant sur la façade atlantique de la péninsule
(Portugal actuel), entrent en scène et débarquent dans la région
sud en soutien aux Turdétans. Trois ans plus tard les mêmes
lusitaniens défait le proconsul romain Lucius Aemilius et son
armée [Orose, Histoire contre les païens,
IV, 20, 22]. Ce dernier meurt avec toute son armée ! En 185, les
lusitaniens progressent vers l'Est et s'attaquent aux romains en Carpétanie.
L'envoi de renfort depuis Rome en 179 permet au préteur Postumio Albino
de gagner pour la première fois une bataille contre les lusitaniens.
Les lusitaniens semblent gravement touchés par cette défaite
puisqu'on ne connaît pas d'incident guerrier durant la longue période
qui suit.
Mais en 155, les lusitaniens, alliés aux Vettons, massacrent
6 000 légionaires et le préteur qui les commandaient. En 154 avant
J.C., les lusitaniens réinvestissent les territoires du Sud et
atteignent les colonnes d'Hercule (Gibraltar). Rome contre-attaque sous le commandement
de Mummio qui, après une défaite, parvient à faire reculer
les rebelles (152 av JC). En 151, la terreur qu'inspirent les Celtibères
parmi les romains est à son comble. P. Scipion, qui sera plus
tard "l'Africain", s'offre spontanément à prendre
la direction des opérations militaires en Ibérie. Il y fera un
grand massacre. Le préteur Sergius Galba, de son côté,
après une imposante défaite, se venge sévèrement
et propose un accord de paix et invite les guerriers lusitaniens à une
assemblée, demandant à ce que l'on dépose les armes : les
lusitaniens, confiant dans la parole d'un général, obéissent.
Le massacre qui s'ensuit fera plus de 9 000 victimes et 20 000 prisonniers.
La trahison de Galba fut vivement critiquée au Sénat
par un tribun de la plèbe appuyé par un discours de Caton
l'ancien. Galba obtint gain de cause, mais de cette année 149 av
JC date la création de la quaestio "de repetundis".
les Romains subissent une sévère défaite devant Numance. Dans toute leur histoire, les Romains n’avaient jamais connu d’aussi longues guerres. Des années après la pacification (152 après J.C.) ils auront toujours des problèmes de recrutement tellement le souvenir est gravé dans les mémoires.
LA RESISTANCE LUSITANIENNE
(147-133 avant J.C.)
Mais cette pacification n’est que provisoire :
En 147 avant J.C., la guerre est relancée en Lusitanie. La façade
atlantique de la péninsule envoie à nouveau ses meilleures troupes
et surtout son chef qui deviendra emblématique pour les siècles
à venir : Viriatos.
Celui-ci s'est en effet emparé d’une bonne partie du sud de la
péninsule (Turdétanie). S'étant fait encerclé par
les légions de Caius Vetilius, Viriathe se montre fin stratège
et réussit à se dégager puis à défaire les
romains. Motivés par ce brillant coup d'éclat, les lusitaniens enchaînent
les victoires contre le préteur C. Plautius en lui prenant le
castro de
Segobriga (Castille, Espagne), cité réputée pour
la richesse de ses mines. Il défait ensuite Claudius Unimanus
(146) et Gaius Nigidius (145). Pourtant l'arrivée du frère
de Scipion Emilien comme consul de l'Hispanie Citérieure change
la donne : Celui-ci provoque les lusitaniens dans la plaine du Guadalquivir et
leur inflige une sévère défaite (144). Viriathe
se replie avant de contre-attaquer et de repousser les armées romaines
à Cordoue. En 142, Viriathe assiège une place forte nommée
Buccia [Orose, histoire contre les païens,
V, 4, 12], mais il est repoussé par le consul Q. Fabius Maximus
Servilianus. Les victoires du peuple lusitain contre l'envahisseur romain
surprend et enthousiasme les peuples celtibères. Ceux-ci commencent à
se soulever, en soutien à leur voisins péninsulaires et initient
alors ce qu'on appellera la guerre numantine qui finira seulement en 133 a.C.
avec la chute de Numance. Le conflit
est à nouveau terrible et marquera l'esprit romain. "Au Nord
du Tage, s'étend la Lusitanie, qu'habite la plus puissante des nations
ibériennes, celle de toutes qui a le plus longtemps arrêté
les armes romaines" [Géographie,
Livre III, 3-3] se souviendra encore Strabon !
En 140 avant J.C. Viriathe inflige une défaite décisive
à Fabius Maximus Servilianus, nouveau consul, où mourront
environ 3000 Romains. Servilianus réussit à garder vie
sauve en offrant des promesses et garanties de l'autonomie pour les lusitaniens
et Viriathe décida de ne pas le tuer. Viriathe reçoit le titre
d'ami du peuple romain... Lorsque Rome apprend l’existence de
ce traité, cela est considéré comme humiliant pour l' empire
romain et le Sénat décide de déclarer à nouveau
la guerre contre les lusitaniens. C’est Scipion, Q. Servilius Caepio,
qui est envoyé et mettra en échec Viriathe. Il le fera assassiné
en 139. Un nommé Tantalos
prend la direction de l'armée lusitaine vraisemblablement sans grand
succès.
La résistance des lusitaniens ne s'arrête pourtant pas avec la mort de leur chef. Malgré Tantalos elle a pourtant besoin d'un peu de temps pour récupérer. Les Celtibères continuent aussi la guerre et mettent en 137 une nouvelle fois l’armée romaine en déroute devant Numance. Pourtant, peu à peu, la situation devient difficile car la plupart des tribus celtibères finissent par se soumettre. Les tribus du Nord du Douro, y compris les Bracaros, se sont soumises au consul Décius Junius Bruto. Celui-ci battit une armée de 60 000 galliciens venue en aide aux lusitaniens au cours d'une âpre bataille en 135. Les Celtibères jouent leur dernière carte : Numance. En 133, les légions romaines écraseront définitivement toutes résistances en prenant la cité rebelle. La ville, que Cicéron qualifiera de terror imperii (terreur de l’Empire), aura subit un siège pendant un an par les armées de Scipion. Celui-ci se fera désormais appeler le ‘Numinantinus’ en hommage à sa grande victoire sur la ville rebelle.
Voir aussi les personnages : Viriatos et Tantalos