Nous reproduisons ci-dessous en extrait de l'Histoire de Grégoire de Tours mettant en scène un dialogue entre un franc catholique et un wisigoth arien
« Le Roi Léovigild
anvoya Agila comme ambassadeur auprès de Chilpéric ; c’était
un homme d’une intelligence nulle et dépourvu de raisonnement méthodique,
mais complètement perverti par la haine de la loi catholique. Comme sa
route l’avait amené à Tours, il se mit à nous harceler
au sujet de la foi et à attaquer les dogmes de l’Eglise : ‘Les
évêques antiques, disait-il, ont prononcé une sentence déraisonnable
lorsqu’ils ont déclaré que la Fils est égal au Père,
car comment, ajoutait-il, pourrait-il être égal au Père
en puissance celui qui dit : « Le Père est plus grand que moi »
? Il n’est pas raisonnable en effet, qu’on le considère comme
le semblable à celui auquel il se déclare inférieur, auquel
il s’est plaint en gémissant dans la tristesse de la mort, à
qui en dernier lieu il a recommandé en mourant son âme comme si
lui-même n’était doté d’aucun pouvoir. D’où
il ressort avec évidence qu’il lui était inférieur
à la fois par l’âge et la puissance paternelle.’ Là-dessus,
je l’interroge moi-même, lui demandant s’il croit que Jésus-Christ
est le fils de Dieu et s’il confesse que celui-ci est la sagesse de Dieu,
sa lumière, sa vérité, sa vie, sa justice. Il répond
: ‘Je crois que le Fils de Dieu est tout cela’. Et je réplique
: ‘Dis-moi donc quand le Père a pu exister sans sagesse, quand
il a pu exister sans lumière, quand il a pu exister sans vie, quand il
a pu exister sans vérité, quand il a pu exister sans justice.
De même que le Père n’a pu exister sans ces choses, de même
il n’a pu exister sans le Fils. Quant au paroles que tu m’objectes
qu’il a dites : ‘le Père est plus grand que moi’, sache
qu’il les a prononcées après s’être humilié
en se faisant chair afin que tu n’ignores pas que tu dois ta rédemption
non à sa puissance mais à son humiliation. […] tu devrais
te souvenir qu’ailleurs il a dit : ‘Moi et mon Père nous
sommes un’
[…]
‘Mais vous, comme je l’ai dit plus haut, vous n’avez aucune
idée de la Sainte Trinité et la mort de votre fondateur lui-même
à savoir d’Arius a montré clairement combien est malfaisante
votre secte perverse.’ A cela il répondit : ‘Ne blasphème
pas contre une loi que tu n’observe pas, car nous, bien que nous ne partagions
pas vos croyances, nous ne blasphémons pas pourtant contre elles, parce
qu’on ne considère pas comme un crime l’observation de telle
ou telle croyance. Nous disons même couramment que ce n’est pas
une faute quand on passe entre un autel païen et une église de Dieu,
de les révérer l’un et l’autre.’ Constatant
sa sottise, je déclarai : ‘Comme je le vois, tu te proclames à
la fois défenseur des gentils et le partisan des hérétiques,
puisque tu salis les dogmes de l’Eglise en même temps que tu prêches
qu’on doit adorer les ordures des païens. […] C’est alors
que lui, pris d’une fureur et de je ne sais quelle folie, s’écria
en grinçant des dents : ‘Que mon âme s’échappe
des liens de ce corps avant que je reçoive une bénédiction
d’un évêque de votre religion.’ Et je répliquai
: ‘Le Seigneur ne laissera pas tiédir notre religion et notre foi
à tel point qu’il nous faille distribuer sa sainteté aux
chiens et exposer des perles précieuses sacrées à des porcs
dégoûtants.’ Sur quoi abandonnant la discussion, il se leva
et s’en alla. Mais ensuite, après qu’il fut de retour en
Espagne, il tomba malade et, forcé par la nécessité, il
se convertit à notre religion. »
Grégoire de Tours, Histoire ecclésiastique des Francs, Tome I, livre V, XLIII.
Certes, l’ambassadeur
wisigoth ne brille pas dans cet échange par ses qualités rhétoriques,
mais Grégoire de Tours, quant à lui, répond d’une
manière qui l’honore vraiment peu : Répondre à une
citation par une citation, tendre des pièges sophistiques afin de perdre
l’adversaire, et finalement l’insulter lui et ses croyances pour
le faire abandonner la discussion, tout cela montre avec quel cynisme, quel
dogmatisme et quel mépris les catholiques ont pu considérer les
croyances autres que la leur.